Quand je lève la tête de mon travail de bureau, que ce soit pour réclamer le calme, vérifier d’un coup d’œil le contenu d’une étagère ou m’étirer, j’ai toujours plaisir à regarder comment les élèves lisent leurs livres.
Il y a celui qui est assis sagement à une table, jambes croisées ou repliées sous la chaise pour les plus grands, souvent la tête posée dans la main et penché, sérieux, sur son livre. Il vit l’histoire avec sérieux et sagesse, complétement absorbé par ce qu’il imagine.
Il y a ce groupe, assis à une autre table qui s’agglutine autour d’un livre (souvent le Guinness World Records, ce qui constitue à mes yeux un mystère complet tellement je trouve l’ouvrage inintéressant) en train de commenter à voix basse (ou pas) la capacité d’un concurrent à mettre des pailles dans sa bouche. Dans le tas, il y a celui qui lit, ceux qui sont assis autour et commentent, celui qui est en face et se met quasiment allongé sur la table pour mieux voir, celui qui passe et s’arrête par curiosité… C’est un groupe vivant qui partage ce qu’il ressent ! Parfois de manière trop brouillonne et agitée, mais qu’importe. Après tout, mon master en « chut » me permet de rétablir le calme avec brio !
Au niveau des BD aussi les élèves partagent. Pour commencer ils partagent souvent leurs fauteuils ! Et quand j’interviens pour empêcher le troisième de se mettre en travers des genoux des deux premiers, il s’assoit souvent par terre, à côté de ses amis. Là aussi, ça papote, ça chuchote, ça raconte l’histoire en même temps qu’elle est lue… Première lecture, deuxième lecture, soixante-douzième lecture, qu’importe ! L’appropriation passe par la connivence du groupe.
Mais mon préféré, c’est celui qui n’a pas eu de fauteuil, qui n’aime pas les tables… C’est celui qui s’assoit par terre. Concentré sur son livre, remuant régulièrement pour se réinstaller plus confortablement. Il recrée le cocon : sa position en bulle, le livre comme protection, sa vie et le texte s’unissent jusqu’à la prochaine sonnerie.
J’aime regarder les élèves lire ! Ils le font avec sérieux et en même temps une parfaite insouciance. Le problème vient au moment de ne garder que le sérieux et d’oublier (apparemment) l’insouciance… Quand lire devient un devoir, que la fantaisie est sujet d’analyse avant tout et que les mots arrêtent d’ouvrir des portes pour se transformer en barrières infranchissables.
Et arrêtons de psychoter parce que chouchou n’aime pas lire.
TOUS les enfants aiment lire. Et s’ils ne le savent pas encore, c’est qu’ils n’ont pas trouvé le bon livre !