Si je serais un annimal je serai…

Parfois, au C.D.I., des professeurs viennent avec leurs classes, le plus souvent pour profiter des livres et de nos compétences en recherche d’information. Ou juste parce qu’il y a des canapés. Ou pour éviter de trucider leurs élèves en partageant leur fatigue avec nous. Sûrement un peu un mélange de tout ça…

Aujourd’hui c’était une professeur de français. La consigne était : « Choisissez l’animal fantastique que vous souhaiteriez être (loup garou, phénix, sirène…). Vous commencerez par écrire « Je voudrais être un … parce que » et donnerez au moins deux arguments sur votre choix. Après vous décrirez l’animal fabuleux choisi à la première personne du singulier, comme si vous étiez effectivement cet animal. »

Vous avez lu le titre de cet article. Vous savez donc déjà que lire une consigne est une tâche complexe et fastidieuse. De plus je mettrais mon auriculaire droit à couper que vous avez tous déjà participé à l’ancestrale tradition du « c’est quoi qu’il faut faire déjà ? Montre c’que t’as fait ?… » n’est ce pas ? (Ne mentez pas Marie-Thérèse !). Ce qui fait que malgré une lecture et une explication de 10 minutes de la consigne, il n’a fallu que d’un élève commençant son texte par « si je serais un annimal je serai un pégase ! » écrit en times new roman 28pts gras pour que toute la rangée d’ordinateur soit contaminée. Fautes comprises. Si. C’est la dure réalité de notre métier… Bon, il suffit de corriger le patient zéro une fois à voix suffisamment haute pour que toute la rangée corrige miraculeusement la faute. C’est déjà ça !

Une fois le document commencé, des comportements élèves classiques dans ce genre d’exercice émergent. Il y a l’élève qui va errer pendant toute la séance en quête de THE animal qui lui correspond VRAIMENT. Plutôt mignon celui là, il va ouvrir 6 livres et 8 magazines avant de soupirer qu’on ne trouve vraiment rien au C.D.I. et se tourner vers les ordinateurs.

Il y a l’élève qui va faire un copier coller de la page wikipédia et ensuite rajouter des images et des couleurs sans se douter que :

Le phénix, ou phœnix (du grec ancien φοῖνιξ / phoînix, « pourpre »), est un oiseau légendaire, doué de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection.

ne ressemble pas exactement à une phrase écrite par un élève de 12 ans… Même en rajoutant du bleu ciel.

Il y a l’élève qui va demander « madame, je peux taper machin à côté de moi ? » parce que son copain aura copié / pris son livre / dit une bêtise / pas prêté son stylo / respiré trop fort / … La réponse à cette question étant invariablement « pas au C.D.I. ».

Mon préféré reste celui qui demande s’il peut faire son exposé sur le marsupilami. Bon, sa professeur a dit non. Soit disant ce ne serait pas un animal fantastique… Personnellement, un animal qui adore faire des farces et manger, un animal jaune à pois noirs qui se sert de sa queue comme d’un ressort et qui dort dans des nids pleins de plumes, cet animal gagnera forcément mon cœur comme étant le plus fantastique de tous les animaux n’existant pas !

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Club de tricot

Cette histoire commence mardi dernier, dans un CDI sombre et… Ah, on me dit à l’oreillette que tenter de donner un côté thriller à un article qui a pour titre « club de tricot » est voué à l’échec. Bien…

Bon, pour rappel, je bosse dans un collège, pas dans une maison de retraite, mais pourtant mardi dernier j’ai eu une demande pour créer un atelier tricot.
Je revenais de mon repas, le ventre un peu rebondi mais pas trop, contente de savoir que j’allais avoir une heure calme vu que le club journal s’était écroulé (je suis quelqu’un de simple, le malheur des clubs pénibles d’élèves pénibles fait mon bonheur) avec juste des 3èmes travaillant au concours national de la Résistance dans le calme et la sobriété. Erreur. En y repensant, peut être qu’en longeant les murs et en passant par la porte du fonds j’aurais pu éviter tout ça. Mais non, j’ai descendu gaiement les escaliers jusqu’au C.D.I. où m’attendait un petit troupeau de 6ème, les yeux brillants d’espoir.

– Bonjour à vous ! Je me permets de vous rappeler que le mardi, le C.D.I. est réservé aux élèves de 3èmes participant au concours de la Résistance !
– On sait madame, nous on voudrait créer un club tricot au C.D.I. !!!

J’ai eu quelques secondes d’arrêt. Je précise que quelques minutes avant, je disais à mes collègues à quel point le tricot, comme la soupe, c’était vraiment un truc de vieux machin. Bon, en vrai je sais que c’est très à la mode et tout, et que y’a pleins de gens bien (même des amis à moi) qui en font, mais soyons sérieux… Du tricot ? En 6ème ? Eh bien chers amis, il semblerait que oui.

– Ah ? Heu ? Mais heu, vous voulez faire ça au C.D.I. ? Je veux dire ? Maintenant ?
– Oui oui !! On voudrait faire une réunion pour définir un peu tout ce qu’on va faire et les membres du club !

– Bon, hé bien rentrez ! (dans ma tête défilaient des images du futur avorté de l’heure calme de travail)

Je vous ferais noter que je souriais en leur disant ça. Franchement, ça tient de l’héroïsme !
Elles sont entrées tellement pleines d’entrain que je me suis laissée contaminer par leur enthousiasme ! Une fois les cartables soigneusement entassés devant les casiers censés les contenir (c’est bien en maternelle qu’on travaille les notions dessus/dessous/dedans/dehors/devant/derrière non ?), elles se sont attroupées à 10 autour d’une table prévue pour 4 élèves.

– Si vous voulez, vous pouvez rapprocher une deuxième table pour pouvoir mieux discuter ensembles…

Qu’avais-je dit ?

– Oooooooooooooooh, madame, merci merci merci !! C’est trop bien merci !! Vous êtes trop sympa !! Merci ! Allez, venez, on fait ça !!

Je… Vous savez dans les mangas, quand les personnages sont tellement enthousiastes qu’ils se mettent à briller ? J’ai eu l’impression d’assister à ça.

– Ah, heu… bah, de rien !

Donc elles se sont mise à discuter. Je vous fais un résumé, en gros ça ressemblait à ça :

« Moi je sais faire des pompons ! » « Ouh, trop bien, j’adore les pompons ! » « Ok, je note, on fera des pompons ! Mais vous pouvez amener quoi ? » « Moi j’ai de la laine ! » « Moi j’ai des perles ! » « Ah ouais, chouette, on pourrait faire des boucles d’oreilles !!! » « Ah mais carrémeeeeent ! Bon, je note boucles d’oreilles ! » « Et des colliers ! » « Super ! » « Et sinon je sais coudre des doudous ! » « Wouah, c’est trop génial !! On pourrait faire des peluches ! » « J’ai des chutes de tissus chez moi, je suis sûre que ma mère sera d’accord pour que je les amène au club ! » « Ah oui moi aussi ! moi aussi !! » « Super ! Alors je note, on amène des perles, des pelotes de laine, du tissus, du fil… Quoi d’autre ? » « Oh, oh, oh !!! J’ai une idée !!! Si on faisait des robes pour nos poupées !!!!!! »

J’ai senti l’enthousiasme retomber d’un coup.

« Ah mais on a passé l’âge de jouer à la poupée » « Oui oui, moi j’y joue plus » « Moi non plus » « Non, c’est plus de notre âge… »

Pour un peu je leur aurais fait un câlin tellement elles étaient mignonnes dans leur désespoir. Je pouvais pas les laisser comme ça…

– Vous savez, moi je trouve que c’est une très bonne idée les robes pour poupées ! Ce serait dommage que vous n’en fassiez pas. Vous pourriez en créer pour vos petites sœurs et cousines non ?

Enthousiasme x1000

– Mais oui !!!!!! Ce serait trop bien !!!!!! J’ai pleins de modèles !
– Et moi aussi !! Nos petites sœurs seraient super contentes !
– Oh oui !!! On va en faire ! Merci pour l’idée madame !! Je note ça !
– Oh, merci madame !! C’est super !!!!

Franchement, je commençais à avoir l’impression d’être une sorte de Messie (pas Lionel, plutôt le genre « barbu en robe tout droit sorti d’un vieux bouquin un peu douteux).
L’heure a tourné. J’ai quand même réussi à avancer sur mon travail du moment (une exposition « après le 13 novembres » en partenariat avec des animateurs jeunesse du coin, autant dire que j’étais finalement assez heureuse d’avoir ces élèves pleines de vie en train de s’animer sur des histoires de pompons devant moi), ça avait été un moment productif pour nous toutes finalement ! Pendant qu’elles rassemblaient leurs affaires je leur ai proposé de libérer pour leur club deux rangées d’une de mes étagères planquées pour qu’elles puissent garder leurs ouvrages en cours et leur matériel commun au C.D.I.

« Oh madame, vous êtes tellement géniale !! » « C’est super ! » « Oh, merci merci merci madame !!! » « C’est trop génial, on a trop de la chance de vous avoir ! » « Merciiiiii ! »

Conclusion : Si vous bossez comme moi dans un C.D.I. et que vous avez le moral à plat, montez un club de tricot, vous verrez, c’est bon pour l’égo ! ^_^